Juin 2024 –
Mon corps, comme celui de toutes les femmes, est un lieu de pouvoir. On me dit qu’il doit être épilé, jeune, mince, bronzé, en robe, sans varices, ridules, rides, vergetures, peau d’orange, points noirs, poils foncés, veines visibles, ongles incarnés, que mes seins doivent être soutenus en tout temps en public, qu’ils doivent être fermes et rebondis mais sans mamelons apparents et se trouver à une certaine hauteur sur mon buste. On me dit qu’il est préférable de porter des talons hauts, des faux ongles, des sandales délicates, des jupes sexy mais pas trop, selon mon âge, de la lingerie, un bikini, si j’ai un ventre plat, d’avoir les cheveux longs et les dents bien blanches et bien droites et de m’épiler entièrement la région pubienne. On me dit que mon corps doit se tenir comme ci ou comme ça, qu’il doit bouger et marcher de telle ou telle manière, que ma voix ne doit être ni trop forte, ni trop grave, ni trop aigüe. On m’informe des mots à ne pas dire, des gestes à ne pas faire, des lieux et des sujets à éviter. On me dit ce que je dois et ne dois pas manger, ce que je dois et ne dois pas aimer, ce que je dois et ne dois pas penser. Bref, on m’indique que mon corps ne m’appartient pas.
En plus de l’injonction de la jeunesse (soit belle et tais-toi), de la reproduction (quand est-ce que tu vas être enceinte ?) et de l’hétérosexualité (pénis dans l’vagin), toute une industrie de l’anxiété s’active à nous convaincre de notre inadéquation en nous vendant l’idée que consommer anti-dépresseurs, crèmes anti-rides, diètes miracles, implants, liftings, botox, liposuccions, labiaplastie, etc. On est toujours trop jeune ou trop vieille, trop maigre ou trop grosse, trop blanche ou trop noire. Pas assez, jamais assez. Carburant au sentiment de haine de soi, nous nous comparons, entrons en compétition, nous envions, nous détestons, nous isolons. Pas surprenant que nous nous sentions dépossédées, larguées, vieilles, moches et poches après 35 ans — pas toutes là ! On nous enlève notre agentivité, c’est-à-dire notre capacité d’agir dans le monde de manière libre et éclairée. Pour consentir à quoique ce soit, faut-il d’abord être consciente de sa liberté et être en mesure de l’exercer sans contrainte et sans menace, de façon joyeuse. À ce chapitre, la révolution féministe est toujours à faire car les apparences sont trompeuses.
Une chose est certaine : mon corps m’appartient et j’en suis l’experte. Pour en arriver là, je décide de me choisir et de m’aimer plutôt que d’essayer d’être aimée de tout le monde. Je travaille à remettre le plaisir au cœur de ma vie car le plaisir, hé oui, c’est du travail. Dans une culture de compétition où on dresse les femmes à se détester, à s’envier, à se jalouser pour ce qu’elles possèdent matériellement et pour leur apparence, une culture basée sur le modèle de réponse sexuelle masculin – 5 minutes en moyenne – on laisse très peu de place à la vulnérabilité, au temps, au partage, à la sororité, à l’imagination, à la créativité, au plaisir sexuel et à l’amour de soi. Oyé oyé ! Les femmes prennent en moyenne 30 minutes avant d’avoir un premier orgasme lorsqu’elles stimulent leur clitoris de manière adéquate. Je vieillis, nous vieillissons, et plus le temps passe et les traces de son passage deviennent visibles, mieux je me sens dans ma peau. Plus je me contrefiche de ce que les autres pensent, croient, s’imaginent à mon propos. Prise dans des combats que je n’ai pas souhaités, j’ai acquis la force tranquille et redoutable de l’ours. C’est le témoignage que j’entends aussi des femmes plus âgées que moi (dans la 50aine, 60aine, 70aine et +) qui continuent à s’adonner à la masturbation. Pourquoi? Parce qu’elles seules savent ce qu’elles préfèrent et parce qu’elles cultivent l’amour de soi nécessaire pour s’offrir à elle-même le top du top.
Je suis une meilleure personne lorsque je me fais plaisir. Je suis détendue ou énergisée selon la période du jour, souriante, calme, ouverte, disponible, à l’écoute, présente, aimante, généreuse, allumée, efficace. Tu parles d’une solution aux maux actuels ! Stress, anxiété chronique, violence, jalousie, hyperactivité, trauma, fatigue.
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Ce mois-ci, mes collègues discutent du besoin de s’affirmer et de communiquer son plaisir (en anglais) :